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« Mon Étoile secrète » par Wang Qiaolin et Wang He

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Urban China continue son travail d’édition de manhuas avec ce titre, plutôt fleur bleue, assez déroutant. En tout cas, une chose est sûre, cette maison d’édition n’a pas choisi la facilité en ne sélectionnant que des auteurs singeant les productions japonaises. « Mon Étoile secrète » est un roman graphique léger, destiné à une jeunesse qui devrait facilement s’identifier à ces protagonistes qui leur ressemblent tellement, malgré leur origine chinoise.
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À 16 ans, Xiaoxi quitte sa petite ville natale pour intégrer une école en métropole. Elle, qui ne se déplaçait qu’à pied, doit maintenant prendre le bus. Elle est également confrontée au regard de ses camardes de classe. Des enfants venus de tout horizon. Du coup, elle se permet de juger la superficialité de certains ou l’arrogance d’autres, alors qu’on sent qu’elle même souffre d’un complexe d’infériorité. Au départ, elle refuse de se laisser aller, elle se compare toujours aux autres et, surtout, à ceux qui sont meilleurs qu’elle. Pourtant, un jeune homme, très ouvert d’esprit et convivial, va essayer de se rapprocher d’elle. Sur la défensive, elle va accumuler les faux pas. Au final, avec une autre amie, il va lui proposer de s’inscrire à l’atelier de théâtre où elle va se révéler très talentueuse.
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« Mon Étoile secrète » est un récit intimiste sur la vie et les émois adolescents. Entièrement peint à l’aquarelle, ce manhua se distingue du reste des productions asiatiques, souvent réalisées en noir et blanc. Les couleurs sont vives et les traits de contour au marqueur ocre sont légers. Le dessin est délicatement travaillé et il aurait été bien qu’il en soit de même concernant le scénario qui, malheureusement, même s’il est bien construit, ne sort pas du lot. C’est une romance adolescente, comme il en existe des centaines en Asie. De plus, on sent bien que c’est une collaboration avec une femme de lettres et une illustratrice. La première, vraisemblablement plus à l’aise avec les mots, alourdit d’explications et de narrations superflues les dessins. Le choix français au niveau de la typographie n’étant pas particulièrement heureux, non plus.
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« Mon Étoile secrète » reflète bien le passage de l’enfance à l’adulte. Les personnages, comme tous adolescents se posent beaucoup trop de questions et inventent des drames qui n’en sont finalement pas. Une chose est sûre, c’est que la jeunesse chinoise n’est vraiment pas si éloignée que ça de la jeunesse française. Même si Xiaoxi est l’héroïne incontestable de cette histoire, elle n’est pas exempte de défauts. Loin des clichés, elle peut être maladroite, mais aussi sensible et gentille. En revanche, sa tendance à l’auto-apitoiement la rend vraiment humaine et, à la lecture de ce titre, on se surprend à la fois à l’aimer comme à la détester. Bref, elle est humaine et ça, c’est réconfortant.
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Ce livre est un volume unique de 150 pages tout en couleurs présenté dans un format plus grand que les mangas. Quelques pages de postface donnent le ressenti des personnes impliquées dans sa création et la dessinatrice Wang He explique sa technique pour créer ses pages en couleurs directes dans un cahier technique. Très instructif.
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Ce manhua ne sort pas complètement des clichés de la romance pour jeune fille en fleur en adoptant une histoire classique. Néanmoins, la belle mise en image des planches aquarellées véhicule parfaitement les sentiments des différents protagonistes de cette courte aventure. Une curiosité fraîche qui donne un avant-goût de l’été et nous change des productions exclusivement japonaises.
Gwenaël JACQUET
« Mon Étoile secrète » par Wang Qiaolin et Wang He
Éditions Urban China (15&euroWinking – ISBN : 9782372590051

« Sangsues » T1 par Daisuke Imai

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Les mondes parallèles restent l’apanage de la science-fiction. Pourtant, il existe des cas bien réels ou des humains trouvent le moyen de vivre dans en marge de la société, tout en étant à nos côtés. Pour la collectivité, ces gens n’existent plus, puisqu’ils sont, la plupart du temps, censés être décédés. Du coup, cela les oblige à vivre aux crochets de leurs concitoyens en se faisant le plus discret possible. C’est ce qui explique que l’on peut les qualifier de sangsues, et c’est le thème de ce manga.
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Yoko est une jeune fille ordinaire de 21 ans. Aujourd’hui, elle vit au rythme d’autres personnes. Lorsqu’elle repère un appartement vacant, elle se débrouille pour en avoir le double des clés et le squatter jusqu’au retour de son propriétaire. Ainsi, elle va naviguer de logement en logement au gré de la journée. Elle prend soin de ne rien déranger, et pourtant, n’hésite pas à se servir avec parcimonie dans le réfrigérateur de ses victimes. Jusqu’ici, tout se passait bien, avant qu’elle ne se fasse surprendre par un autre squatter. C’est là qu’elle découvre le terme de sangsue et les contraintes qui régissent cet art de vivre aux crochets des travailleurs. Alors que jusque-là elle était invisible, elle va s’engouffrer dans un nouveau monde avec ses propres codes et ses conflits.
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Les pages couleur ont été conservées dans l’édition française.
Ce premier volume d’une série de cinq met en avant la vie de Yoko, jeune néophyte dans le monde des sangsues. Ce principe classique, où le lecteur pénètre en même temps que l’héroïne dans le monde qui l’entoure, permet de créer une vraie connivence. On a réellement la sensation que tout ce qui est égrené au fil des pages fait avancer l’histoire.
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Avec cette première œuvre, Daisuke Imai se classe immédiatement parmi les grands auteurs. Sa maîtrise de la construction narrative lui permet de créer une intrigue aux rebondissements multiples et vraiment inattendus. À aucun moment, il ne cherche à compliquer inutilement son récit. Tout est limpide et très bien amené, tout en ménageant un suspense bienvenu. Évidemment, un bon scénario ne serait rien sans un bon dessin. C’est aussi le cas, puisque ce néophyte excelle dans sa représentation de la lumière avec des ombres franches. Ce n’est pas l’univers sombre de Frank Miller ou Atsushi Kaneko, mais un monde plutôt ensoleillé. Comme celui d’une belle journée d’été ou le soleil taperait bien fort, ce qui est souvent le cas au Japon.
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Pour une première BD publiée, c’est un coup de maître. Daisuke Imai a réalisé ce manga alors qu’il avait 30 ans (en 2011), et cette maturité se ressent bien évidemment dans le dessin et l’histoire, mais également dans les sujets évoqués. Il est clairement à l’écoute des problèmes de société actuels. Sa vision du monde n’est pas en noir et blanc, contrairement à son dessin. « Sangsues » n’est pourtant pas un simple pamphlet politique sur la crise du logement ou le mal-être identitaire de certains humains. Ce thriller offre plusieurs niveaux de divertissement et de réflexion, ce qui le rend encore plus attrayant.
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Si les premières pages, assez légères, posent la basse de l’intrigue, on comprend vite, avec les derniers chapitres, que les sangsues vont s’affronter dans une guerre de territoires sanglante. Ce qui semblait être la simple tranche de vie d’une jeune fille un peu paumée va monter en puissance au fil de ce premier volume, pour devenir un vrai thriller. Yoko a clairement mis les pieds dans un monde qu’elle ne soupçonnait pas.
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Les couvertures japonaises de « Sangsues » (titré « Hiru » au Japon) sont très différentes de l’édition française en bichromie. Ici, les couleurs aquarellées dominent, et l’ambiance est bien plus joyeuse et moins oppressante.
Aujourd’hui, Daisuke Imai vient de commencer deux nouvelles séries au Japon. Ou, plutôt, une même histoire d’amour racontée selon deux points de vue diamétralement opposés. Sous le titre « Koto Koto » nous découvrons simultanément la vision de Yukichi dans Young Champion, ainsi que celui de Chihiro dans Manga Action, tous deux publiés chez Akita Shoten. Une approche innovante de la narration où chaque histoire peut se lire indépendamment l’une de l’autre, mais où les recoupements offrent une troisième lecture instructive. Cet auteur n’a visiblement pas fini de nous surprendre. En attendant, n’hésitez pas à vous plonger dans le monde de « Sangsues », encore une très belle découverte du label Sakka des éditions Casterman.
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Les premières pages couleurs de « Koto Koto - Yukichi no Koto » (à propos de Yukichi) ont été publiées le 24 février 2015 dans Young Champion et celles de « Koto Koto - Chihiro no Koto » (à propos de Chihiro) dans Manga Action, le 3 mars 2015.
Gwenaël JACQUET
« Sangsues » T1 par Daisuke Imai
Éditions Casterman (7,95 &euroWinking – ISBN : 2203095369
HIRU © Daisuke Imai 2011 / SHINCHOSHA PUBLISHING CO.

« Marine Blue » T1 par Ai Yazawa

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En attendant une hypothétique reprise de la série « Nana », les éditions Delcourt publient les fonds de tiroir de l’auteure. Quand « Marine Blue » est sorti en 1990, c’était la plus longue série réalisée par Ai Yazawa avec quatre tomes. Depuis, elle a publié d’autres titres, dont « Nana » (21 volumes), « Gokinjo » (7 volumes) ou « Paradise Kiss » (5 volumes).
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Tachina Haruka a 16 ans et travaille dans le café de son oncle sur une plage réputée des surfeurs. Là, elle y fait la rencontre d’un jeune homme extrêmement doué et jalousé par son cousin, lui aussi adepte du surf. Mais le bellâtre est loin d’être un inconnu, il lui a même sauvé la vie lorsqu’elle avait dix ans. Prise d’une crampe en pleine mer, il l’avait immédiatement ramenée sur la plage. Depuis, elle était secrètement amoureuse de lui, mais rien ne s’est passé comme elle l’imaginait. Il avait notamment dû partir faire des études aux États-Unis et lui avait seulement laissé son chien, Dolphins, en cadeau d’adieu.
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Entre rivalité amoureuse et compétition de surf, la vie paisible d’Haruka va vite prendre des tournures romanesques. Une fois les bases de l’histoire posées dans le premier chapitre, les quiproquos et les rendez-vous ratés vont se succéder, afin de rapprocher tour à tour ces garçons et cette jeune fille un peu perdue, dans le tourbillon de leur jeunesse.
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Dix ans séparent « Marine Blue » de « Nana » et cela se voit. Malgré ses études de stylisme avorté, Ai Yazawa n’avait pas encore sa patte caractéristique et fashion qui l’a rendu célèbre. Le style est classique, voire même absent. Rien ne différencie cette série des divers mangas pour filles publiés dans les années quatre-vingt-dix. On est loin de retrouver l’auteur de « Nana » dans cette histoire et ces dessins. Les fans seront surpris. Mais cela n’en fait pas un mauvais manga. C’est même un retour dans ces années où le shojo manga a vu son offre exploser et se diversifier. Depuis une dizaine d’années, les codes qui définissaient les œuvres destinés à un public féminin ou masculin étaient très clairs. Les éditeurs cherchaient surtout à coller une étiquette en fonction du genre et du public visé. Petit à petit, cette frontière a éclaté et la situation est aujourd’hui plus ambiguë, même si certains genres « classiques » perdurent. Les cases explosent, les pages sont à bord perdu, les trames sont omniprésentes et surtout grattées pour donner un peu d’effet. Le trait à la plume est assez nerveux avec son épaississement artificiel et ses hachures qui remplissent l’espace. On est clairement dans le registre du shojo manga avec son lot de clichés caractéristiques.
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« Marine Blue », c’est un peu comme revisiter l’Histoire du manga. Toucher du doigt ce qui se faisait au siècle dernier, il y a maintenant 25 ans. Un quart de siècle nous sépare de ce titre et il ne faut pas l’oublier en le feuilletant. Les fans seront sensibles à cette pièce d’anthologie, les amateurs de shojo pur et dur le seront également. Les autres passeront leur chemin.
Gwenaël JACQUET
« Marine Blue » T1 par Ai Yazawa
Éditions Delcourt (6,99 &euroWinking – ISBN : 978-2-7560-6651-6
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« Dans l’intimité de Marie » T1 par Shûzô Oshimi

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Isao Komori fait partie de ces jeunes qui n’ont pas de travail et restent cloîtrés chez eux à jouer aux jeux vidéo, ce que les Japonais appellent Hikikomori (1). Il sort seulement le soir pour faire quelques courses dans le coin. Ce qui est bien évidement un prétexte pour croiser « l’ange de la supérette », une jeune fille qu’il aimerait bien aborder, mais il ne sait pas comment. Elle-même, à ses petites routines, elle se rend systématiquement dans cette boutique à 21h et achète toujours la même chose, puis rentre chez elle alors que Isao la suit. Mais un jour, il va étrangement se réveiller dans son corps.
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Complètement déboussolé, il ne saura pas comment réagir. Il va tout faire pour préserver l’intimité de cette jeune fille. Il comprend surtout qu’il n’a aucun repère concernant sa vie passée. Il ne sait même pas qui sont ses parents, son frère ou même où se trouvent les toilettes. À l’école, ses copines sentent bien que quelque chose d’inhabituel se passe. Apparemment, cette fille, Marie Yoshizaki, était une bonne élève, studieuse et entourée d’amis. Tout l’inverse d’Isao qui, aujourd’hui, parasite son organisme. Dans un moment de lucidité, le jeune homme va imaginer que s’il est prisonnier du corps de Marie, l’inverse doit également être possible. Mais le Isao qu’il trouve à la supérette ne se souvient même pas de cet ange et semble encore plus nonchalant qu’avant.
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Les échanges de corps entre homme et femme, voilà un sujet récurrent de la science-fiction ou de l’érotisme. Ici, c’est l’enquête qui en résulte qui est mise en avant. Quel est le mystère entourant la disparition de Marie ? Dans ce premier tome, l’intimité n’est pas si intime que ça puisque Isao refuse de souiller son corps, ne serait-ce qu’en la regardant dans la glace. Il a même du mal à fouiller dans ses affaires pour choisir des sous-vêtements. Il va jusqu’à s’habiller ou prend son bain avec un bandeau sur les yeux. Mais ne vous laissez pas attendrir par ce premier volume, la véritable nature des différents protagonistes va se révéler au fur et à mesure que l’histoire progresse.
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Au travers des interrogations et des différentes situations, on peut facilement deviner que c’est un homme qui est derrière ce récit. La psychologie féminine n’est clairement pas son fort, mais comme il est question d’un garçon dans un corps féminin, il est logique qu’il finisse par agir en mâle. Les premiers chapitres expliquent la situation et lèvent le voile sur d’éventuelles relations lesbiennes de l’héroïne avec l’une de ses camarades. Mais tout cela, et bien d’autres révélations, sera à découvrir dans les tomes suivants. Une chose est sûre, Isao Komori, qu’il soit dans son corps ou dans celui de Marie est vraiment pathétique. Bien évidemment, le plus important est : mais qu’arriverait-il lorsque la vraie Marie reviendra et surtout où est-elle maintenant ?
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Aujourd’hui, cette série ne compte que 5 volumes au Japon et avance doucement, mais sûrement. Les sentiments des personnages évoluent et on découvre leurs vraies natures. Inévitablement, on arrive à des états de fait contraires à la logique. Ces situations paradoxales révèlent de vraies surprises. En espérant que la conclusion soit à la hauteur.
Gwenaël JACQUET
« Dans l’intimité de Marie » T1 par Shûzô Oshimi
Éditions Akata (7.95 &euroWinking – ISBN : 2369740574
(1) Hikikomori pourrait se traduire par NEET en bon franglish (Not in Education, Employment, or Training : Ni dans l’éducation, au travail, ou stagiaire). Les deux termes étant utilisés au Japon en fonction de la gravité de la pathologie.

« Les Misérables » T1 par Takahiro Arai

« Les Misérables » T1 par Takahiro Arai
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S’attaquer à un des chefs-d’œuvre de la littérature française, tel est le pari que Takahiro Arai a relevé en adaptant « Les Misérables » de Victor Hugo. Ce passionné de littérature occidentale a su rendre la force, la tristesse et la justesse de ce récit datant pourtant d’une autre époque. De quoi faire découvrir un classique indémodable à la jeunesse actuelle, public bien évidemment visé par cette adaptation dynamique et forte.
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Jean Valjean est un paria que la société rejette à cause de ses 19 années de prison. Condamné pour avoir volé un bout de pain afin de nourrir les sept enfants de sa sœur, il alourdira inexorablement sa peine en s’évadant à de nombreuses reprises. À sa sortie, c’est un être aigri, plein de rancœur envers la société qui le lui rend bien. Un seul homme va lui ouvrir sa porte, un évêque qui a foi en l’humain. Cette rencontre va complètement changer sa vie.
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Normalement, tout le monde connaît cette histoire. Le roman de Victor Hugo fait partie du patrimoine culturel français, mainte fois adapté à la télévision ou au cinéma. Dans le cas présent, il vaut mieux oublier l’excellente performance de Lino Ventura dans l’adaptation au cinéma de 1982 par Robert Hossein. Ce manga est moderne, le graphisme est dynamique, les cases éclatées et les sentiments décuplés. Ce traitement peut déplaire aux puristes du roman original, mais intéressera les adolescents d’aujourd’hui grâce à une mise en forme reprenant les codes du manga.
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Si le dessin est excellent dans son genre, qu’en est-il du respect de la trame originale ? On ne peut pas affirmer que l’histoire de base n’est pas respectée, néanmoins, elle ne suit pas à la lettre celle de Victor Hugo. Au début du récit, le roman se focalise sur la vie de l’évêque Myriel, Jean Valjean n’apparaissant qu’autour de la centième page. Takahiro Arai a pour sa part décidé de commencer son récit par les années de galère de Valjean. Il est vrai que ce traitement, plus démonstratif, correspond mieux aux canons du manga moderne. Tout comme les passages où le lion sommeillant en Jean Valjean prend réellement corps lorsque sa fureur s’exprime pleinement. Certaines erreurs sont pourtant flagrantes. Quand, chez Hugo, il est question de couverts dérobés, ce sont ici des assiettes en argent qui nous sont montrées. Peut-être une erreur dans la traduction originale en japonais sur laquelle se base cette adaptation ?
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En France, nous connaissons surtout Takahiro Arai pour sa série en 9 volumes « Arago » parue chez Pika : un polar londonien faisant suite à son premier grand manga « Darren Shan », lui-même une autre adaptation d’un roman américain fantastique mettant en scène des vampires. Si les mangas ne nous sont pas parvenus, il nous est possible de voir l’adaptation cinématographique qui en a été tirée : « L’Assistant du vampire » (Paul Weitz, 2009). Avec « Les Misérables », le mangaka change donc totalement de registre, tout en gardant le côté noir et cynique.
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On pourrait penser qu’adapter Victor Hugo, Académicien français, en manga relève du sacrilège, voir de l’inconscience. Pourtant, le respect pour le texte original et la maîtrise de la mise en scène de Takahiro Arai impressionnent et il aurait été dommage de s’en priver. La série en est déjà à son cinquième recueil au Japon. En France, la suite arrivera juste avant l’été. Une seconde vie à destination de la jeunesse d’aujourd’hui pour ce classique. Ce premier volume ne traite qu’une infime partie du roman, mais avec une telle force, un tel luxe de détails et d’émotions que l’on ne peut qu’avoir hâte d’en lire la suite.
Gwenaël JACQUET
« Les Misérables » T1 par Takahiro Arai
Éditions Kurokawa (7,65 &euroWinking – ISBN : 978-2-36852-141-0