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"La Plaine du Kanto" T1 par Kazuo Kamimura

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Kazuo Kamimura nous a laissé une quantité impressionnante de mangas plus intéressants les uns que les autres. Grand maitre du gekiga, il disparut en 1986, à seulement 45 ans. Kana continue donc d’éditer ces chefs d’œuvre du patrimoine japonais. Après " Lorsque nous vivions ensemble " et " Lady Snowblood " c’est au tour de cette histoire, peut être la plus personnelle, d’être traduite en France : " La Plaine du Kanto "...

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L’histoire débute le 15 aout 1945, le Japon vient de capituler. Un avion de l’US air-force s’écrase en rase campagne. Kinta, le héros de ce manga n’a que sept ans et est pourtant, aux premières loges avec ses camarades pour voir ce spectacle étrange du démon américain. Les paysans japonais refusant la défaite sont là pour en découdre. Armé de leurs bambous taillés en pointe ils n’iront pas bien loin tellement ils ont la frousse. Le grand-père de Kinta, lui, n’a pas peur de s’approcher de cet étranger et, en tant qu’homme de lettres, il réussit à converser avec lui et finira par l’héberger quelque temps.
Ainsi commence la série des découvertes de Kinta qui amèneront le lecteur à suivre son apprentissage de la vie. Entre premiers émois sexuels et bagarre entre camarades de classe, le jeune japonais grandira bien vite dans ce pays sous domination militaire américaine. Il développera son sens artistique, alors qu’il rêve d’être cuisinier ; il apprendra à braver les interdits et comprendra peu à peu que le monde adulte n’est pas toujours juste. Cela justifie pleinement le sous-titre de ce livre : " images flottantes de la jeunesse ".
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Konji Kankei © Kazuo Kamimura / Kamimura production - Kana
Le récit est crue et réaliste, Kazuo Kamimura montre indéniablement son talent de conteur pour adultes. C’est un gekiga à l’ancienne comme il y en a très peu de publiés en France. Les traits au pinceau et à la plume sont harmonieux et les personnages typés. On sent au travers du jeu d’ombre la lumière plombante de l’été japonais : chaud et humide. La construction narrative, simple, mais efficace permet une lecture rapide et agréable. Impossible de confondre les personnages, ils ont chacun leurs particularités et leur caractère propre. Personne n’est manichéen, chaque protagoniste a sa part d’ombre ou un secret bien à lui. Ce sera même une partie de l’intérêt du récit, les mystères des uns et des autres dans l’entourage de Kinta. Le lecteur ira de surprise en surprise et celles-ci auront bien entendu des conséquences heureuses ou fâcheuses, comme dans la vraie vie.
Mais plus qu’une histoire humaine, c’est également une ode aux paysages avec ses étendues montagneuses et ses plaines interminables. La nature est présente à tous les échelons du récit. Les herbes hautes servent à se cacher des ennemis ou pour ne pas être vu dans ses actes honteux. Par extension, la ville est également représentée avec ses constructions nouvelles offrant une opportunité de développement pour cette petite partie du Japon dans lesquels Kinta est enfermé alors que de nombreux protagonistes viennent de l’extérieur. C’est l’une des œuvres de Kamimura ou sont dépeints d’aussi grands paysages. Étendue sur de nombreuses doubles pages, ils offrent un cadre de vie grandiose à cette petite communauté.
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Konji Kankei © Kazuo Kamimura / Kamimura production - Kana
Prévu en trois tomes, ce premier volume a de quoi mettre en bouche pour la suite. Le gekiga, genre peu présent chez nous, du moins pour ce genre de récits, axés sur l’humain, a ici de quoi montrer une facette bien différente de l’image habituelle du manga commercial. Plus réaliste et osant parler de choses crues de manière simple et non vulgaire, il saura toucher le lectorat adulte des habitués comme des novices en matière de bande dessinée japonaise.
En ancrant cette aventure dans le Japon d’après-guerre, Kamimura a su raconter une histoire touchante ne demandant pas de connaissance spécifique du Japon de cette époque. Trois livres indispensables dans une bonne bibliothèque, même celle n’hébergeant habituellement pas de BD.
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Konji Kankei © Kazuo Kamimura / Kamimura production - Kana
Gwenaël JACQUET
" La Plaine du Kanto " T1 par Kazuo Kamimura
Édition Kana (18&euroWinking

Article paru à l’origine sur BDZoom.com

"Hell Blade" T1 par Je Tae Yoo

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Le mythe de Jack l’Éventreur revisité par un artiste coréen, voilà ce que nous propose " Hell Blade ", la lame de l’enfer. Tout le monde ou presque connait cette histoire où un tueur en série visait les prostituées de Whitechapel, en Angleterre. Jack était le tueur et la police, elle, était sur les dents...

Avec son premier manhwa (1), Je Tae Yoo offre une vision bien différente de cette série de faits divers. Le bien et le mal se confondent et les apparences sont parfois trompeuses. Roy Johnson, jeune policier en charge des meurtres de Whitechapel, n’a rien trouvé de mieux que de coucher avec Susan Reynold, jeune veuve dont le mari, coureur de jupon et alcoolique, vient de décéder dans des circonstances étranges. Pour compliquer les choses, la belle-mère de Susan (d’une jalousie maladive) soupçonne les deux amants et décide de s’en prendre à sa belle-fille.
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© Je Tae Yoo - Ki-oon 2011
Tout ne se passera pas comme prévu et Susan, afin d’éviter d’être étranglée par sa belle-mère, finira par la poignarder avec un éclat de verre qui traine sur le sol. Cela ressemble fort à de la légitime défense, mais vu le climat actuel, les deux amants paniquent. Afin de maquiller leur forfait, ils vont tenter de faire passer ce décès comme une nouvelle victime de l’éventreur... L’Église Anglicane va envoyer deux de ses " agents " pour seconder la police et découvrir la vérité sur ces meurtres mystérieux. Immédiatement, ils découvrent la supercherie, il y a eu deux meurtres cette nuit, et un seul est réellement l’oeuvre de Jack.
Là où tout se complique, c’est lorsque la femme de chambre entend une conversation où Susan avoue le meurtre de sa belle mère. Poussé par son amante, Roy panique et l’assassine froidement. Ils doivent alors s’enfuir car de plus en plus de soupçons convergent vers eux.
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© Je Tae Yoo - Ki-oon 2011
La suite de l’histoire fera tomber les différents mythes ayant servi à sa fondation. Jack n’est pas le tueur froid que nous avons l’habitude de rencontrer et les victimes ne sont pas si innocentes que ça. Ce manhwa glisse rapidement vers l’ésotérique et le gore. Les monstres sont hideux, les combats sanglants. Tous les classiques de la littérature et du folklore londonien de la fin du dix-neuvième siècle semblent se retrouver ici : même Scherlock Holmes, jeune, fera une apparition.
Plus que le mythe anglais, Je Tae Yoo s’est clairement inspiré des standards japonais du genre. On sent une affinité toute particulière avec les productions du studio Mad House et, notamment, les œuvres de Shoji Kawajiri. Les personnages principaux sont élancés, ils ont le regard froid et le rire pervers. Les costumes sont tirés au cordeau et collent parfaitement à l’ambiance victorienne. Les monstres, humanoïdes, sont démesurés, dégoutants et prêts à se battre. Les femmes sexy et d’une perversité à faire froid dans le dos. La mise en page est dynamique et sert le récit à merveille. On ne s’ennuie pas une seconde et on avance de rebondissement en rebondissement.
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© Je Tae Yoo - Ki-oon 2011
Tous les stéréotypes sont là, Je Tae Yoo, n’a pas pris de gros risques pour sa première œuvre. Pourtant, " Hell Blade " est extrêmement agréable à lire et l’idée de prendre un mythe archi connu, pour le détourner, marche à merveille. On se laisse prendre par l’histoire et ce qui nous semblait une évidence, au départ, disparait petit à petit ; le lecteur ne sait plus ou est le bien et le mal. La suite risque d’être plus classique puisque les inversions et les mélanges des genres sont expliqués tout au long de ce premier volume. Le scénario reste pourtant simple et le public visé est, manifestement, les adolescents ; tellement la violence est exacerbée et le satanisme magnifié. Néanmoins, on attend la suite avec impatience...
Gwenaël JACQUET
" Hell Blade " T1 par Je Tae Yoo Édition Ki-oon (7,50&euroWinking
(1) Bande dessinée coréenne.

Article paru à l’origine sur BDZoom.com

"La Loi du temps" par Hiroshi Hirata

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Hiroshi Hirata fait partie de ces figures emblématiques du manga historique. Spécialisé dans les récits de samouraï, il excelle dans ce domaine. Les Éditions Delcourt, via la société Akata, continuent de publier sporadiquement les œuvres du maître. Après deux numéros de son manga féministe " Plus forte que le sabre ", sort le volume unique de " La Loi du temps " : recueil de quatre nouvelles qui se focalisent sur la nature humaine et ses changements de comportement au fil de son apprentissage et de sa relation avec les autres.

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De tous les auteurs de Gekiga publiés en France, Hirata a une place particulière. Premier auteur de manga à avoir été traduit en France, même si cela s’est fait de manière non officielle, il fut également un invité de marque du festival d’Angoulême en 2009. Ses histoires, dont le réalisme est renforcé par de nombreux emprunts historiques, se lisent comme un roman illustré a la manière d’un Edgar P. Jacobs, la science-fiction en moins. Le trait d’Hirata, sur ces quatre récits, est, comme à l’accoutumée, franc, réaliste et dynamique. Une réalité bien crue d’ailleurs, les combats sont à l’image de la vie dans cette contrée médiévale, brutale et courte. Il y a peu de fioritures, l’action est explicative, pas besoin de s’éterniser en palabres inutiles et déplacées, comme dans la plupart des shônens. C’est cette vision de la vie expliquée de manière juste et détaillée qui fait l’intérêt et le succès de ces récits. L’histoire semble vraie, comme sortie d’un manuel scolaire. Le lecteur, qu’il soit français ou même japonais, apprend énormément sur le mode de vie du Japon médiéval : sa politique, ses contraires, son impôt et ses mœurs bien différents d’aujourd’hui.
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Pages 3 à 52 : " La Danse du vaste amour "
Ce récit commence par un combat à mort entre une jeune femme sûre d’elle et des assaillants entraînés au sein d’un Dojo réputé. La scène est expédiée en trois pages et pose le contexte de l’histoire, puis remonte dans le temps pour nous expliquer son geste. Ôsaki Riya a été recueilli à l’âge de deux ans par sa tante suite au meurtre de son père et au suicide de sa mère. À treize ans, elle entreprit de rechercher l’assassin de son père et de venger, ainsi, la mort de ses parents. L’histoire s’étendra sur de nombreuses années et Riya deviendra une femme forte et respectée. Mais elle traversa de nombreuses épreuves douloureuses et finit par se reconstruire avant de, finalement, retrouver l’assassin. Néanmoins, tout ne se passera pas comme elle l’avait imaginé.
Cette histoire introduit parfaitement la notion de temps dans l’œuvre d’Hirata. Les choses changent et on ne maitrise pas toujours sa vie : il faut en accepter les contraintes et surmonter les problèmes, en groupe, aide à se forger une identité et un caractère.
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Pages 53 à 102 : " Il vivait des jours tranquilles … ou les huit vrais hommes du fief Yoshida, province de Iyo "
Tamagaki Jûzaemon, greffier au service d’un puissant seigneur local vivait une vie simple. Il ne parlait pas beaucoup, il exécutait les ordres donnés et consignait les faits dans les registres officiels qu’il tenait avec une extrême rigueur. Sa calligraphie parfaite forçait l’admiration de ses collègues de travail qui, pourtant, le trouvait austère. Sa seule passion : jouer aux Shôji avec sa femme. Yamada Chûzaemon, premier intendant, détournait l’argent des impôts pour son profit personnel. Il se fit bâtir une superbe demeure ou les servantes devenaient des objets de dépravation sans qu’elle puissent s’en plaindre.
L’histoire, étalée sur de nombreuses années, montre la corruption et les mœurs dissolues de cet intendant qui se comporte comme un tyran absolu. Elle montre également qu’un homme est capable, à lui tous seul, de renverser le cours de l’histoire ; mais c’est a vous de découvrir comment lire ce récit a la construction narrative passionnante.
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Pages 103 à 152 : " La Brigade du Byakko-Taï ou un épisode inconnu de la guerre de Boshin "
Basé sur des faits historiques, cet épisode commence par le suicide rituel par seppuku de seize jeunes guerriers âgés de quinze à dix-sept ans, suite à la prise de leur château par l’ennemi. Inuma Sadakichi, rata sa mort et ce fut le grand malheur de sa vie. Alors que l’ère Meiji commençait, suite à la capitulation du fief Aïzu le 22 septembre 1868, le Japon sortait de sa période féodale. L’industrie et les télécommunications commençaient à arriver au Japon. La guerre avec les pays voisins redoublait et pourtant, Sadakichi, devenu ingénieur des télégraphes refusait toujours de porter une arme. Il s’estimait déjà mort, avec ses camarades, lorsqu’il n’avait que quinze ans.
Ce récit, plein de réalités crues sur le passage de l’ère féodale à l’ère industrielle montre, au travers de la vie de cet homme, que tout cela s’est fait dans la douleur, mais le cours de l’histoire et son avancée est inéluctable.
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Pages 153 à 202 : " Kenzan "
Cette histoire, écrite comme un roman illustré, commence par la décapitation et l’éventration de paysans ayant commis des fautes minimes. À cette époque, un homme, Kenzan, faisait régner la terreur sur ses terres. Il interdisait aux paysans de s’amuser, de trop dormir et même de manger à leur faim. À la moindre contrariété, il décapitait les hommes qui lui tenaient tête, même s’ils faisaient partie de ses meilleurs soldats. Les paysans, craintifs, refusaient de se rebeller. Pourtant, un jour, alors qu’il s’était blessé en tombant dans la rivière, il fut recueilli par un paysan qui le soigna. Une fois remis de ses blessures, il lui expliqua, pendant de longues heures, ce qu’il endurait sans se plaindre, juste par des faits.
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Ses doléances exprimées, il se trancha lui même la tête. Kenzan fini par repartir chez lui, guéri, et change quelque peut sa politique. Néanmoins, le seigneur propriétaire des terres ne l’entend pas exactement de cette oreille.
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Ce récit clôture de manière pessimiste ce livre. Pourtant, au travers de ces différentes histoires, de ces vies d’hommes et de femmes, on peut voir le Japon évoluer, changer et se moderniser. Ce manga est atypique, il est destiné à un public très large et bien loin des clichés traditionnels. Il comblera l’amateur d’histoire japonaise tout comme celui des films de samouraïs, le lecteur de bande dessinée d’action comme le lecteur de manga traditionnel cherchant quelque chose de plus mâture.
Une œuvre incontournable et indispensable dans toute bonne bédéthèque.
Gwenaël JACQUET
" La Loi du temps " par Hiroshi Hirata Éditions Delcourt, volume unique (11 &euroWinking

Article paru à l’origine sur BDZoom.com

Akiba Manga n°1

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Depuis des décennies, les Japonais utilisent le vote des lecteurs pour déterminer le succès d’une série en prépublication. L’éditeur Ankama fait également le paris de l’interactivité en se basant sur les votes sur internet afin de déterminer le contenu de son nouveau magazine : Akiba Manga.

Comme il est expliqué en préambule dans l’édito, toutes les tentatives d’édition de magazine de BD en France se sont soldées par des échecs. Ankama est réaliste sur ce projet ; tout le monde sait que cela sera dur, qu’il faudra faire ses preuves. La prépublication de BD en France n’est pas un secteur porteur ; il n’y a pratiquement plus que la revue " Spirou " qui continue d’être distribuée en tant que magazine proposant de la création, mais il est devenu plus une vitrine pour son éditeur (Dupuis) qu’une véritable source de revenu.
Au Japon, par contre, les différentes revues de prépublication de manga se vendent assez bien, malgré une baisse significative du tirage que l’on a observé ces dernières années. Les Japonais ayant souvent de longues heures à tuer dans le transport en commun, ils sont friands de magazines faciles à lire et vite consommés. D’énormes bacs récupérateurs de papier sont même disséminés aux sorties des gares : rien ne se perd, rien ne doit trainer. Le manga est, du coup, un excellent moyen de se divertir durant ces longs trajets chaotiques. Les histoires sont facilement repérables grâce aux différents papiers de couleurs répartis dans les magazines. Les séries sont analysées par les lecteurs et ils peuvent voter en retournant un coupon ; ceci afin de faire grimper leur série favorite et d’empêcher, ainsi, qu’elle ne soit supprimée dans les numéros suivants. Le succès d’un auteur tient réellement entre les mains de ses lecteurs. Il faut donc innover à chaque épisode et laisser un suspense permanent afin de se retrouver bien positionné dans le magazine et, consécration ultime, faire la couverture et avoir les premières planches du chapitre de la semaine en couleur.
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" Akiba Manga " reprend à peu près les mêmes ingrédients avec une pagination moins imposante. Ce recueil fait quand même 228 pages et les 32 premières sont en couleur. Le reste est imprimé en noir et blanc sur un papier offset de base apparemment issue de papier recyclé. Le format (17 x 24 cm) rappelle plus celui des comics, mais est classique en matière de prépublication. La couverture couleur est en cartonnette souple et pelliculée, ce qui garantit une bonne tenue dans le temps.
Au niveau du contenu, on trouve huit bandes dessinées. Sept sont des créations originales pour " Akiba Manga " car elles sont scénarisées par des auteurs français et dessinés par des Japonais. L’autre bande dessinée, tout en couleur, est un manga inédit de Shingo Araki, le character designer des " Chevaliers du zodiaque ". Publiée à l’italienne, cette histoire nécessite de tourner la revue pour la lire. Araki n’est pas, à la base, un dessinateur de manga. Il travaille plutôt dans l’animation même si, au départ, il s’est lancé dans le dessin en publiant quelques histoires dans les kashibon, revues à louer en vogue après guerre. Pour ce manga de quatorze pages, " Sourire ", il a repris un scénario imaginé durant sa jeunesse. L’histoire se passe en 1958, à Nagoya. Ken, jeune lecteur d’illustrés, trouve une annonce pour un concours de dessin. Il décide d’y participer, mais il se rendra compte que le monde de l’édition est impitoyable. Entièrement dessiné au crayon et mis en couleur directe, ce travail n’a rien à voir avec le trait habituel que nous connaissons de Shingo Araki. C’est brouillon, mal colorié et l’histoire n’a ni queue ni tête. Même si Araki est une figure emblématique de l’animation japonaise, son nom ne suffit pas à faire de cet ovni un chef d’œuvre. On sent pourtant la maitrise des proportions et de la gestion de l’espace. Dommage que le reste ne suive pas.
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© Shingo Araki - Ankama 2011
Les sept autres mangas sérialisés dans cette revue sont soumis au vote des lecteurs. Sur internet, il est possible de voir la tendance de chaque épisode et directement de voter pour le chapitre le plus apprécié en se rendant sur le site :
www.manga-akiba.com. Il est également possible de voter par courrier, mais c’est vrai qu’à l’heure d’Internet un simple clic suffit.
Les sept séries composant ce premier numéro sont :
" Les Dix de Sanada " : scénario de Glou, dessin de Kosato.
Un jeune français s’endort et rêve d’un massacre ayant eu lieu dans le Japon ancien. Basé sur le légendaire ninja Sasuke Sarutobi, ce manga met en scène des faits surnaturels dans le Japon médiéval. Le dessin est nerveux, les traits sont simplement crayonnés et la mise en couleur ainsi que la trame grise sont réalisées à l’ordinateur. La mise en scène est variée et l’histoire, même si elle reste encore énigmatique, avance assez rapidement et sa construction semble claire. À surveiller, car la portée culturelle de ce titre peut être intéressante, l’histoire étant basée sur des faits historiques.
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© Glou et Kosato - Ankama 2011
" Terminus " scénario de Luna Tick, dessin de Takada Katsura.
Kaede, jeune étudiante, vient de se jeter sous les roues d’un train, pourquoi ? L’histoire remonte dans le temps afin de nous expliquer ce suicide. Le dessin de cette série est classique et ressemble à beaucoup de mangas. Trait à la plume, trame pour les ombres, visages arrondis, environnement scolaire et protagonistes étudiants. La mise en page sait alterner les cases intimistes, les gros plans et les plans larges. Les décors sont détaillés et situent parfaitement l’action. Le scénario finit sur un clifhanger et personnellement, j’ai hâte d’avoir la suite. Cette histoire est présentée comme un shôjo manga, même s’il est composé d’héroïnes et que le thème du mal-être de la jeunesse semble plus correspondre aux jeunes filles, le dessin reste typiquement shônen. il fallait bien essayer d’attirer le public féminin.
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© Luna Tick et Takada Katsura -Ankama 2011
" Pandémonium " scénario de Glou, dessin de Savan.
Première des deux histoires mises en image par Savan. "Pandémonium est le nom donné a la section d’élite de la police qui est censé lutter contre les phénomènes paranormaux, loups-garous, fantômes, sorcières, etc. Le scénario est convenu, le positionnement shônen revendiqué, et les personnages sont pour la plupart des héroïnes au caractère fort et aux formes généreuses. Savan dessine vite, tellement vite qu’il réalise deux fois vingt pages par mois dans la revue. Pourtant, il confond vitesse et précipitation, le trait est malhabile, les dessins bâclés et convenus. Les plans se répètent souvent et les décors peu nombreux. Tout est stéréotypé.
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© Glou et Savan -Ankama 2011
À noter que l’illustration de couverture du magazine est tirée de cette histoire. Néanmoins, si le dessin de base est dû à Savan, c’est l’illustrateur Alexandre Papet qui l’a entièrement réalisé puisqu’il est également à l’origine de la création du logo " Akiba Manga ". Une très bonne idée et une très bonne réalisation qui a su garder le meilleur du trait de Savan et l’enrichir. L’harmonie des couleurs, dans les tons rose et vert, finit d’embellir ce dessin.
" Agent Suicide " scénario de Daynhe Binatai et Glou dessin de Shino.
Thriller politique sur fond de terrorisme mondial. Ce premier épisode pose les bases de ce qui va amener l’action et le suspense. Le dessin à la plume est particulièrement réussi. Nerveux, mais juste, Shino, jeune mangaka talentueuse sait mettre en avant ses personnages. Ses décors sont nombreux et réussis, sa mise en page variée soutient parfaitement l’action et les drames qui planent sur cette histoire. Une réussite.
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© Daynhe Binatai, Glou et Shino -Ankama 2011
" Absynthe " scénario de Glou et Yasmine, dessin de Savan.
On retrouve le dessinateur Savan pour la seconde fois dans ce numéro. Teoxane, l’héroïne est hantée chaque nuit par des cauchemars. Amnésique, elle a été recueillie il y a six mois par Jin Chevalier, jeune policier franco-japonais plein de charme. Histoire étrange desservie par un dessin bâclé où les protagonistes sont mal proportionnés et les décors simplistes, mais quand même plus présents que dans " Pandémonium ". Espérons que les chapitres suivants auront au moins le même niveau que celui-ci.
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© Glou, Yasmine et Savan - Ankama 2011
" La Valse des corps ". Scénario de Daynhe Binatai et Yasmine, dessin de Hashiura Kenta.
Histoire policière où un profiler suit un tueur méticuleux qui depuis dix ans perpètre un meurtre tous les cent jours. La postface nous apprend que Hashiura Kenta n’a eu qu’une semaine pour livrer les vingt planches de son histoire. En effet, cela se ressent immédiatement. Mais bon, vu le niveau de dessin de ce jeune auteur, même un mois n’aurait vraisemblablement pas suffi à réaliser un travail digne de publication. Les personnes sont raides, le trait est froid, les décors inexistants, les proportions aléatoires, les cadrages simplistes... Ce travail n’est même pas suffisant pour figurer dans un fanzine, on le croirait fait par un élève de CM2 à l’heure du gouter. Le plus gros souci de cette histoire est qu’il faudra la supporter encore pendant trois numéros avant qu’elle ne soit remplacée. Ça va être long.
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© Daynhe Binatai, Yasmine et Hashiura Kenta - Ankama 2011
" La Mort en grève " scénario de Daynhe Binatai et Yasmine, dessin de Harada Midori.
La mort vient de disparaitre, plus personne ne décède et c’est la panique dans l’au-delà. C’est donc le moment opportun d’envoyer un nouveau prophète. Si le scénario n’est pas des plus originaux, le dessin de son côté sort de l’ordinaire. On est loin du manga traditionnel à part le noir et blanc omniprésent. Les personnages sont particulièrement soignés, leurs attitudes justes et leurs traits reconnaissables. On sent la patte professionnelle derrière le graphisme. La mise en scène est irréprochable, les plans parfaitement gérés. Les décors sont peu nombreux, mais soignés et explicites. De quoi séduire les lectrices les plus exigeantes ! Espérons que l’histoire suivra.
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© Daynhe Binatai, Yasmine et Harada Midori - Ankama 2011
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Le reste du magazine est composé d’articles culturels. En pages couleur au début : critique des OAV de Cobra et du jeu Marvel vs Capcom. En pages noir et blanc, en fin de revue : critiques de quatre mangas traduits, historique succinct de la BD japonaise, article sur le quartier d’akihabara, l’édition belge de Japan Expo, le Nouvel An japonais et une recette de Bento.
Le titre du magazine vient d’ailleurs du nom de ce quartier de Tokyo réputé pour être le lieu de rendez-vous des Otaku et autres fans de manga, de haute technologie et de produits innovants.
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© Ankama 2011
Un numéro bien complet, assez varié et surtout un pari osé. Si certains mangas ont du succès, des recueils seront édités. Les autres finiront leur vie oubliés en dernières pages du magazine avant de disparaitre. L’éditeur fera néanmoins en sorte de laisser à l’auteur au moins trois chapitres pour clore dignement la série.
Vendu à un prix abordable, ce magazine peut trouver son public. Attendons le mois prochain pour juger de son potentiel réel.
Gwenaël JACQUET
Akiba Manga n°1 Édition Ankama (4,95&euroWinking
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Une très belle couverture pour ce numéro un réalisée par Alexandre Papet d’après la série " Pandémonium " de Glou et Savan © Ankama 2011
Article paru à l’origine sur BDZoom.com