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"Amanchu !" T1 par Kozue Amano

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Devant la quantité impressionnante des sorties mangas hebdomadaire, il est toujours difficile de faire un choix... Pourtant, certains titres accrochent l’œil immédiatement. Une couverture attrayante, un sujet frais, des dessins agréables et un éditeur réputé, il n’en fallait pas moins pour se plonger dans " Amanchu " : je ne l’ai pas regretté...

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Quoi de plus reposant que de se laisser porter par l’eau ? © Kozue Amano / MAG Garden
Futaba Ohki vient d’arriver de Tokyo, elle flâne au bord de la mer, portée par son scooter. Timide et réservée, elle est prête à rentrer au lycée : les vacances sont finies. Hikari Kohinata, quant à elle, est joyeuse et souriante. Sa passion : la plongée. Elle s’apprête également à affronter son premier jour au lycée. Ces deux jeunes filles vont se retrouver dans la même classe, en compagnie de leur professeur principal : Melle Katori, elle aussi passionné de plongée et animatrice du club de cette discipline.
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Quand deux pratiquantes de plongée sous-marine se rencontrent, elles ne se parlent pas, elles communiquent par geste comme dans ce monde du silence © Kozue Amano / MAG Garden
Avec ce bref résumé, vous savez à peu près tout ce qu’il a besoin de connaître sur ce premier tome de l’histoire. Le reste de l’action n’est que contemplation, rencontre et divertissement. Si " Amanchu !" accroche le lecteur, c’est en premier pour sa couverture fraîche et pleine de vie. On est loin des clichés de la bimbo en maillot de bain cher aux animés japonais. Ici, aucun sous-entendu, l’héroïne prend plaisir à être immergée et nous le communique, tout simplement.
Pourtant, des clichés, ce manga en regorge. En premier, sur le caractère de l’héroïne, Hikari, débordant de vie, mais complètement insouciante. Le dessin de son visage passe du réalisme à la caricature d’une case à l’autre, ceci afin de bien montrer son caractère un peu fou : une figure typique du manga d’humour. Ensuite, sur l’amitié entre les deux jeunes filles, l’une meneuse, l’autre suiveuse, le tout guidé par un mentor en la personne de la professeure principale. Que du classique !
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Un sens du dessin et de la mise en scène extrêmement bien mené. © Kozue Amano / MAG Garden
Au niveau des dessins, on peut facilement avoir une impression de déjà vu ; pourtant, Kozue Amano arrive parfaitement à s’approprier les codes habituels du shônen pour créer son propre style, tout en rondeur et extrêmement bien détaillé. Chaque plan regorge d’enrichissement visuel, que ce soit pour les décors, les vêtements, les véhicules ou simplement pour la matérialisation de l’ambiance. Chaque case est pensée de manière indépendante, mais également pour former un tout dans la planche, rien n’est laissé au hasard et lorsque que l’auteur se permet de décalquer une case, c’est toujours dans un but bien précis : afin de faire peser une tension supplémentaire, un arrêt du temps, même infime (mais toujours reposant).
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En une page, de longues secondes de silence et, au final, un visage gêné, accentué par la répétition du dessin © Kozue Amano / MAG Garden
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Mais c’est l’ambiance qui est la plus intéressante dans ce manga, loin devant le dessin ou l’histoire. La construction narrative fait que tout s’enchaîne de manière naturelle et nous plonge dans un univers calme et reposant. Ce premier tome se lit d’une traite, sans que l’on se pose de question existentielle, juste en contemplant les personnages et le paysage qui les entoure. On se sent porté, comme entre deux eaux, dans les " trop rares " scènes aquatiques. Passer d’un personnage exubérant à un autre plus calme offre des combinaisons narratives extrêmement agréables. Ces passages sous-marins seront assurément bien plus importants dans les tomes suivants puisque nous n’en sommes qu’a la découverte des protagonistes et a leur entrée dans le club de plongée.
L’histoire est située, géographiquement, sur l’île d’Amami Ôshima au Japon, entre l’île principale qu’est Kyûshû et l’île d’Okinawa plus au sud. " Amanchu !" servant à designer les habitants de cette île. Là-bas, le soleil tape fort, et toute l’année. Du coup, le dessin met parfaitement en valeur cette interaction entre la lumière et l’ombre. Les trames sont minutieusement posées afin de faire ressentir la chaleur d’une journée ensoleillée.
Tout est là pour mettre le lecteur en joie : impossible de sortir morose de la lecture de ce titre. Kozue Amano, avec " Amanchu ! ", nous prouve, une nouvelle fois, sa maîtrise du dessin et son talent de conteur. En musique, il y a le tube de l’été, ici nous avons assurément son équivalent en manga.
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Peu de texte, mais une plénitude qui envahi le spectateur à la lecture de ces quelques moments reposants du manga © Kozue Amano - MAG Garden Corp - Ki-oon
Gwenaël JACQUET
" Amanchu ! " T1 par Kozue Amano
Éditions Ki-oon (7,50 &euroWinking.
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© Kozue Amano / MAG Garden

Article paru à l’origine sur BDZoom.com

"Le Voyage de Ryu" T1 et T2 par Shôtarô Ishinomori

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Comme Kana, Glénat continue d’éditer les œuvres de ce maître du manga qu’est Shôtarô Ishinomori. Après " Sabu to Ichi " ou " Cyborg 009 ", cette édition du " Voyage de Ryu " est une bonne nouvelle. Glénat venant d’augmenter le prix de la série " Cyborg 009 " qui a du mal à trouver son public, on aurait pu craindre l’abandon de cette collection " Vintage ". Le tirage étant moins important, le prix de revient augmente et cela se ressent sur le tarif demandé aux lecteurs. Néanmoins, il vaut mieux ça qu’une série qui s’arrête en pleins milieu.

Beaucoup de personnes vont associer ce manga à la série " Nolan " qui passait, en 1989, sur la cinquième chaîne française de Berlusconi. Or, ce sont deux histoires bien différentes, mais mettant en scène un personnage identique : Ryu. " Nolan ", nom français du héros, est né sur terre à la préhistoire, d’une mère humanoïde à la peau foncée alors que lui a le teint clair. Il fut donc banni de son clan alors qu’il n’était qu’un bébé. Recueilli par des hommes singes, il vivra dans un monde hostile peuplé de dinosaures et d’êtres d’un autre âge. Cette série est la préquelle de celle publiée aujourd’hui par Glénat, bien qu’elle fût éditée, au Japon, deux ans après : en 1971. À noter qu’une troisième série " Banchou Wakusei " clôtura la trilogie, en 1975 (1).
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© Shôtarô Ishinomori - Ishimori production - Glénat
" Le Voyage de Ryu " pour sa part se situe dans un futur ou la terre est décimée à la suite d’un conflit nucléaire opposant l’Orient et l’Occident. Reprenant un des thèmes pacifistes chers à son maître Osamu Tezuka, Ishinomori décrit une vision bien pessimiste de notre futur.
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© Shôtarô Ishinomorii - Ishimori production - Glénat
L’histoire débute alors que Ryu, passager clandestin à bord d’un vaisseau d’exploration spatial, se réveille d’une cryogénisation de plus de quarante ans. Il n’a que peu vieilli et, grâce à une déformation de l’espace-temps, il se retrouve projeté des centaines d’années dans le futur de la terre. Son vaisseau ayant atterri sur celle-ci, il se verra contraint de l’explorer, afin de trouver des traces d’une civilisation qui a l’air d’avoir disparue. Seuls des arbres mutants, des chauves-souris, des rats géants, des singes humanoïdes et des humains difformes semblent peupler la planète. Au fur et à mesure de l’avancée de l’histoire, Ryu finit par rencontrer quelques congénères, compagnons d’infortune qui l’accompagneront dans son périple pour retrouver une hypothétique civilisation humaine.
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© Shôtarô Ishinomori - Ishimori production - Glénat
Œuvre d’anticipation digne des plus grands maîtres de la science-fiction, " Le Voyage de Ryu " ne brille pas que par son scénario. Ishinomori y exprime tout son talent graphique. Les décors sont impressionnants, les monstres crédibles et les attitudes de chaque personnage parfaitement trouvées. L’œuvre a ce petit côté désuet qui faisait le charme des nombreuses histoires de science-fiction des années cinquante et soixante.
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© Shôtarô Ishinomori - Ishimori production - Glénat
Malgré ses trois cent-cinquante pages bien fournies, ce manga se lit extrêmement facilement. On se laisse porter par le récit de cette humanité qui s’est anéantie pour mieux renaître. On suit les traces de ce Ryu, jeune homme extrêmement tenace, se découvrant des talents insoupçonnés. Il est rare de voir une œuvre ayant presque un demi-siècle, puisque publié en 1969, avoir un discours aussi contemporain.
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© Shôtarô Ishinomori - Ishimori production - Glénat
Prévue en cinq volumes, la série devrait être complète dans l’année. Un manga à ne pas rater, d’une part pour son côté historique, mais surtout pour sa grande qualité narrative qui la place parmi les chefs-d’œuvre du genre.
Pour en savoir plus sur Shôtarô Ishinomori, voir " Le Coin du patrimoine " que nous lui avons consacré.
Gwenaël Jacquet
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" Le Voyage de Ryu " T1 et T2 par Shôtarô Ishinomori
Éditions Glénat (10,55&euroWinking
(1) : La trilogie Ryu est une pièce maîtresse de l’œuvre d’Ishinomori. Prenant exemple sur les différents mangas de Tezuka, Ishinomori reprendra le concept de personnage récurent et de scénario poussé mélangeant humour et drame. La série met en scène un garçon à différentes époques avec toujours un idéal de paix et une intelligence supérieure à la normale.
La chronologie japonaise de ce personnage commence par : " Ryuu no Michi " ["
リュウの道 "] " Le Voyage de Ryu " paru en 1969 chez Kodancha en huit volumes, actuellement réédités en cinq volumes plus épais. C’est l’édition que nous propose Glénat. Ensuite, arrive " Genshi Shounen Ryuu " (Prequelle) [" 原始少年リュウ "] - " Nolan, enfant des cavernes " diffusé en animé sur la 5, en 1989 (vingt-deux épisodes). Tiré du manga en trois volumes édités par Akita Shôten, en 1971. Elle est également rééditée en deux volumes plus épais, aujourd’hui. Et pour clôturer la trilogie, " Banchou Wakusei " (Sequelle) [" 番長惑星 "] " La Planète du chef du gang de l’école " (traduction non officielle, cette série n’étant jamais paru en France). Manga en cinq volumes parus chez Akita Shôten, en 1975, et réédités, comme les autres, en trois volumes plus épais.
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puce-68c92 " Ryuu no Michi " - " Genshi Shounen Ryuu " - " Banchou Wakusei " -

Article paru à l’origine sur BDZoom.com

"Tokyo Fin d’un monde" T1 par Noujou

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Le manga ultra-réaliste est un genre assez peu répandu en France. Pourtant, outre-Atlantique, des auteurs comme Ryoichi Ikegami ont réussi à populariser ce type de récits : plus adulte, scenaristiquement plus évolué, anatomiquement bien proportionné et aux protagonistes typés japonais (si l’histoire se passe au Japon). Dans l’hexagone, les éditeurs s’étant risqués a édité du Ikegami ont vite déchanté. Pourtant, le gekiga arrive à percer petit à petit et Akata en est le fer de lance, avec de nombreux titres sur des sujets plus variés les uns que les autres.

" Tokyo fin d’un monde " est de ces manga résolument positionné sur le créneau adulte sans tomber dans le sexe ou la violence à outrance. L’histoire est réfléchie, digne d’un roman noir et les personnages sont ultras réalistes. Pourtant, le scénario est totalement irréel. Notre monde serait surpeuplé à cause d’humains venant du futur. C’est grâce à une équation découverte à notre époque qu’il serait possible de contrôler certaines facultés de l’esprit et ainsi à arriver à voler dans les airs, hypnotiser les gens ou faire de la télékinésie. Bref, être une personne aux capacités extra-sensorielle plus développées, ce que les Japonais raccourcissent en ESPER (de l’anglais Extra Sensorial Perception). Populaire dans les années 80 (1), le thème était passé de mode depuis. Peut être que Junichi Noujou a voulu rendre plus adulte ce type d’histoires et renouer avec un genre qui n’est autre que des super-héros vus du coté de la science-fiction.
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© Junichi Noujou - Kodansha - Delcourt - Akata
Ici, il n’est pas question de super-pouvoirs au service du bien ou du mal. Ce manga est présenté comme une enquête policière à la " X-Files " ou un " bureau de recherche des communications futures " existerait. Taro Saegusa, employé du ministère de l’Intérieur et des Communications s’intéresse à un dénommé Yuma Oda : écolier tranquille ayant un jour montré des pouvoirs étranges, lévitation et hypnose collective. Miho Omori fut l’une des témoins de ces phénomènes paranormaux et est aujourd’hui l’assistante de Taro. Cherchant à comprendre les motivations de ce mystérieux " homme du future " l’histoire avance assez rapidement et de manière claire tout en laissant de grosses interrogations aux enquêteurs comme aux lecteurs. Comment va se passer le grand cataclysme annoncé, qui en sera la cause, et surtout pourquoi ?
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© Junichi Noujou - Kodansha - Delcourt - Akata
Si le scénario est intriguant et prenant, le dessin, lui, est dans la lignée de ce qui se fait au japon en matière d’ultra réalisme dans les revues pour adultes, alors que, précisément, cette histoire fut publiée dans le Weekly Shonen Magazine plutôt destiné aux adolescents. Comme ce style est peu distribué en France, le lecteur sera forcement agréablement surpris par la finesse du trait de Junichi Noujou ainsi que la justesse de ses descriptions visuelles. Chaque détail est parfaitement représenté, les expressions sont réalistes et il n’y a pas de place pour la caricature contrairement aux mangas de Hideo Yamamoto (3) qui sont dans un style approchant. Les vêtements et les décors sont actuels et finement observés, cela en devient même d’une précision chirurgicale rendant certaines images glaciales et particulièrement adaptée à un récit d’anticipation. Le lecteur est obligé d’avoir l’œil en éveil afin de ne rater aucun détail de l’image ou du scénario. Afin de créer une tension supplémentaire, la plupart des pages abusent de plans serrés. Les décors sont peu présents et servent le plus souvent à situer le début d’une action. Le mécanisme narratif est indéniablement maîtrisé.
Seule bémol dans ce flot de louanges, l’édition française est, par moment, assez difficile à lire. En effet, le texte est régulièrement placé trop près du pli central et cela oblige à casser le dos afin de bien tirer la page. Toutes les pages étant à bord perdu, ce souci est logique et casse le rythme de lecture à cause de la distraction qu’il génère. Dommage.
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© Junichi Noujou - Kodansha - Delcourt - Akata
C’est la seconde œuvre de Junichi Noujou publiée en France (2), cet auteur est pourtant extrêmement réputé au Japon notamment pour ses histoires sur le monde des Yakuza ou du jeu. Il s’est rendu célèbre par " Naki no ryû " ; un manga sur le mah-jong publié en 1985, alors qu’il a déjà trente-quatre ans. Il publie aujourd’hui principalement des histoires courtes.
Clôturé en trois tomes, ce premier volume de " Tokyo fin d’un monde " explique vaguement les choses. La fin en clifhanger incite indéniablement le lecteur à attendre avec impatience la suite à paraître, respectivement, en avril et en juillet 2011.
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À noter que les couvertures des trois volumes sont superbes. Elles représentent, respectivement, Yuma Oda, Miho Omori et Taro Saegusa, les trois principaux protagonistes de cette histoire. Composés en bichromie, le noir du trait et la touche de rouge de ces portraits tranchent sur le blanc immaculé du papier. Des couvertures, énigmatiques et froides, à l’instar du manga.
Gwenaël JACQUET
" Tokyo Fin d’un monde " T1 par Junichi Noujou
Éditions Delcourt - Akata (6,95&euroWinking
(1) : En France nous avons eu le dessin animé de long métrage, Luck l’intrépide ("
超人ロック " ou " Chôjin Rokku " en japonais et " Lock the superman " en anglais), long métrage sorti exclusivement en vidéo en 1984 et reprenant ce thème de manière enfantine. Aux USA, c’est le manga de Ikegami " Mai the psychic girl " (Eclipse Comics sous licence viz comics) qui a popularisé ce thème, dés 1987 ; c’est d’ailleurs le premier manga à nécessiter un nouveau tirage des volumes 1 et 2. C’est également, la première série à ne pas être arrêtée avant la fin et, surtout, avoir une première édition reliée en quatre volumes puis une seconde compilant l’histoire complète en seulement trois volumes. Cette série n’a curieusement jamais été publiée en entier en France ou seuls quatre petits recueils sont parus en kiosque (éditions Semic).
(2) : La première œuvre de Junichi Noujou publiée en France fut " Dr Koh ", dont deux volumes sont parus dans les années 90 chez Casterman avant d’être prématurément interrompue.
(3) : " Homunculus " et " Ichi the Killer " de Hideo Yamamoto sont paru chez Tonkam.


Article paru à l’origine sur BDZoom.com

"Soil" T1 par Atsushi Kaneko

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Non, vous ne vous êtes pas trompé de rubrique, c’est bien le " Zoom Manga ". Pourtant, " Soil " de Atsushi Kaneko ressemble plus à un comics underground américain qu’a une BD nippone. " Bambi ", son autre manga publié en France chez IMHO, ressemblait déjà à un road-movie à la Tarantino et non à un " Naruto ".

" Soil ", c’est le nom d’une petite banlieue tranquille dans le Japon contemporain. Le début de l’histoire est assez énigmatique : une étoile filante traverse le ciel et le temps. Durant les premières pages, on est témoins de son passage lors de différents événements ayant marqué ce lieu. Dans des temps anciens, il fut occupé par des indigènes pratiquant des rites vaudou. Ensuite, dans le Japon des samouraïs, il fut le théâtre d’une série de meurtres au sabre. À notre époque, on y a bâti un quartier moderne, mais ordinaire, où on assiste à la disparition d’une famille tout aussi ordinaire.
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© Atsushi Kaneko - Ankama
Les trente-trois premières pages sont muettes et c’est à la trente-quatrième qu’apparaît un duo improbable de policiers dont les répliques sont dignes d’un film américain. Yokoï et Onoda sont deux stéréotypes balancés sur une enquête de routine. Le premier est capitaine de police : il a des manières de rustre, des propos déplacés, extrêmement misogynes, il sue à grosse goûte au moindre effort, porte une moumoute ridicule, se gratte en permanence l’entre jambe ou autres parties du corps en réfléchissant, bref, c’est un " porc ". La seconde est une jeune détective peu sûre d’elle contrairement à ce qu’elle veut essayer de faire croire. Plutôt mal habillée, elle est vue comme un gros " thon " par les enfants de Soil, à cause de sa chevelure hirsute et de ses lunettes à gros verres, complètement hors mode.
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© Atsushi Kaneko - Ankama
Leur enquête consiste à trouver comment et pourquoi une famille tranquille a disparu une nuit sans laisser de trace, à l’exception d’une montagne de sel dans la chambre de la jeune fille de la maison. Sel que l’on retrouvera dans la cour de l’école dans des proportions démesurées, prenant la forme d’une montagne. Petit à petit, le lecteur prendra conscience du malaise entretenu dans cette ville nouvelle par le délégué de l’association du quartier : sorte de tyran ayant installé des caméras partout afin de surveiller les faits et geste des habitants et la bonne tenue des rues. Une propreté exemplaire, un fleurissement abondant et une entente cordiale, sans vague, sont, selon lui, le secret d’un bonheur qu’il entend bien préserver. Mais tout ne se passe pas aussi simplement : ce qui causera sa perte.
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" Soil " est un manga atypique. Découvert par Jean-DavidMorvan ; fraîchement embauché par Ankama, ce scénariste passionné du Japon a pour mission de dénicher des titres plus adultes, sortant des clichés ordinaires. Véritable « chasseur de mangas » pour cette jeune et dynamique entreprise de Roubaix, dont le succès a été fulgurant et qui est en pleine expansion grâce à la série de jeu en ligne " Dofus ", il propose deux autres séries plus classiques pour ce début d’année 2011 : " Hitman " et " La Paire et le Sabre "(1).
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© Atsushi Kaneko - Ankama
Si le scénario de " Soil " est ordinaire et reprend des clichés éculés qui ont fait le bonheur des films de genre et de duo comique aux USA, le dessin lui prend également ses racines dans le comics underground. Clairement influencé par la ligne claire d’auteurs tels que Charles Burns (" Black Hole ") ou Daniel Clowes (" Ghost world ") ce dessinateur joue sur une narration bien différente de ce qui se fait en matière de manga. Si ce n’est quelques onomatopées et des personnages bien typés japonais, il serait facile de faire passer cette série pour une création d’auteur typiquement américain. Le trait de Atsushi Kaneko est vif, extrêmement clair, il offre un encrage au pinceau mettant en avant des pleins et des déliés parfaitement calculé. Du coup, cela fait un dessin presque froid et rigide, on sent une tension dérangeante et parfaitement adaptée au contexte du thriller. La grosse particularité du dessin de Atsushi Kaneko, c’est ce soin et cette minutie apportés aux visages des protagonistes. Parfaitement calibré, chaque trait est à sa place, rien ne dépasse. Par opposition, dés que l’on passe sur les vêtements, les objets et les décors, les traits se chevauchent dans tous les sens, ils n’ont plus de frontières et même les contours des cases ne sont pas respectés. Cette spontanéité dans le trait est inhabituelle et rend chaque page dynamique tout en cassant le côté net des contours.
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Les traits dépassent les uns sur les autres entrecoupant chaque vêtement et morceau de décor © Atsushi Kaneko - Ankama
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Par opposition, les visages sont parfaitement net, aucune ligne en trop et différentes épaisseurs de traits renforce l’expression des personnages © Atsushi Kaneko - Ankama
L’édition française est soignée, les pages couleur sont respectées et les pages d’introduction sur papier calque sont conservées. La jaquette en bichromie, noir et bleu n’est pas glacée ni pelliculée ce qui renforce le côté atypique du titre.
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© Atsushi Kaneko - Ankama
Un peu lent a démarré au niveau de l’histoire, ce manga cache de grands mystères qui malheureusement ne seront que peu dévoilés dans ce premier tome. Néanmoins, cela attise la curiosité du lecteur qui devrait se jeter sur les dix prochains volumes afin de découvrir quelles énigmes cachent cette ville de " Soil ".
Gwenaël Jacquet
" Soil " T1 par Atsushi Kaneko
Éditions Ankama, Collection Kuri Seinen (8,55 &euroWinking
(1)" Hitman " de Hiroshi Mutô. Polar violent racontant la double vie de Tôkichi, employé de bureau se muant en tueur à gages. Série finie en 17 volumes (7,95 &euroWinking.
" La Paire et le Sabre " de Hideki Yamada, série destinée aux garçons qui compte actuellement 5 volumes (7,95 &euroWinking. Grosse poitrine et fans service dans le Japon des samouraïs.

Article paru à l’origine sur BDZoom.com